Béatrice Bouvet Bonhomme 

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Les Ready-Scans de Béatrice B-Bonhomme, témoignages fragiles de ce qui – en ces temps d’effondrement ressenti – reste(ra), n’existeraient pas sans l’événement initial qu’a constitué le décès de sa mère ni sans leur ancrage géographique essentiel (un village Milhaud et ses entours, à proximité de Nimes). Ainsi cette œuvre, commencée il y a bientôt une vingtaine d’années, a-t-elle d’emblée à voir avec le deuil et son travail, mais aussi avec – quotidiennes — les marches pensives qui, dans un premier temps l’ont accompagné. Depuis, la tristesse s’étant atténuée, subsistent les flâneries journalières qui nourrissent cet opus.

            Au cœur de sa (dé)marche artistique, une forme d’« ascèse » revendiquée, la Marche. C’est donc par un lent (ce dernier ne saurait être précipité) cheminement que s’élabore chaque pièce qui, au fil du temps, enrichit sa collection d’artéfacts manufacturés, micro-fragments de société qu’elle ramasse au rythme de ses pas (ni débris végétaux ni cailloux). Suggérer ou évoquer (plutôt que faire ressurgir) ce qui fut dans ce qui, à l’état de débris, a subsisté et s’offre à une ramasse attentive au gré de sa progression sur l’itinéraire pierreux.

            Et si le déchet était la vérité ultime de toute chose, ce qui de l’éphémère, au final, demeure pérenne ? Il en est sûrement ainsi de cet infime morceau de porcelaine décoré, de ce soldat de plomb (?), patiné par les intempéries, aux jambes mutilées, aussi bien de ce bout de tissu (??) céruléen tombé du ciel, triomphe du permanent sur le périssable, ou de ce bout de ficelle obstinément replié sur lui-même. Tant il est vrai que, des plus grandes civilisations, ne subsistent que des ruines (ce qui fait leur grandeur) et de nos vies, tout juste discernables (à peine identifiables), des débris énigmatiques.

            Ces bribes d’humanité isolées, il ne reste plus – dès lors – qu’à les poser sur la vitre d’un scanner pour que, par l’opération de la lumière, s’accomplisse la transfiguration des rebuts… et d’en effectuer – patiemment – la « colligence ». Singuliers, les Ready-Scans – pourtant – s’inscrivent dans la filiation assumée avec Marcel Duchamp et ses Ready-Made, auxquels les premiers rendent hommage et, très récemment, en scannant par deux le produit de ses cueillettes, lorgnant du côté de Max Ernst, à la technique des papiers collés pour créer des images de nature oniriques.

            Arpenteuse méthodique (et méditative) d’un territoire qu’inlassablement elle parcourt, Béatrice B-Bonhomme, par l’accumulation raisonnée d’artéfacts trouvés lors de ses balades, jette les bases d’une archéologie atypique au croisement de l’individuel et du collectif.

            Pour mémoire, une œuvre ténue, si ténue.

Patrice BOISSONNET